eh, toi, qu'est-ce que tu viens faire par ici ? est-ce que j'ai vraiment besoin d'une raison pour m'installer ici ? je pensais que tout le monde était le bienvenu ?
mais s'il faut vraiment te répondre : je viens disparaître. je viens oublier. je viens recommencer. je viens pour des nouvelles aventures. je ne sais pas vraiment, en fait. puis un peu d'air frais après être restée trop longtemps étouffée par ces immeubles géants, cet air pollué, ces sonneries de portables et ces klaxons, ça ne fait de mal à personne, pas vrai ?
d'où tu nous viens, tu faisais quoi avant ? parle nous un peu de ta vie avant. je viens d'une ville où les gens sont trop pressés pour faire attention aux autres. j'arrive d'un endroit où tout le monde est égoïste et ne se préoccupe que de sa propre personne. j'habitais un lieu où c'est facile de se retrouver tout seul et de s'égarer. ce n'était pas aussi beau qu'ici.
avant, je ne faisais rien. rien d'intéressant. rien qui puisse captiver ta curiosité, je pense. puis de toute façon, on s'en fout d'avant.
et tu comptes rester encore longtemps ici, ou c'est juste pour une petite durée ? aussi longtemps que possible. aussi longtemps que je veux. aussi longtemps que je peux. aussi longtemps que les étoiles brilleront. aussi longtemps qu'on voudra de moi. en espérant qu'on veuille de moi pour commencer.
tu fais quoi de tes petites mains sinon ? bah pas grand chose non plus. je sais caresser les courbes d'un corps, d'un visage pour finir par les reconnaître les yeux fermés et finir par les aimer de tout mon petit coeur. je sais écrire des mots doux que je laisserai sur ta table de nuit pour le moment où tu te réveilleras. je sais prendre soin de toi. je sais allumer des cigarettes et regarder les cendres tomber
comme moi,
tombée,
amoureuse de toi.


t'es comme un petit chiot. t'es mignonne à regarder, on s'extasie un peu quand on te voit. on se demande d'où tu sors, ce que tu fais. ça te fait un peu peur au début, t'as pas trop envie. on essaie de t'apprivoiser, on essaie de devenir ton ami. et toi, tu sautes sur l'occasion. t'aimes bien les amis, c'est cool, les amis. parfois, ça clique tout seul et tu peux passer des journées entières à jouer et à aboyer joyeusement. t'as pas envie de t'arrêter, jamais. d'autres fois, ça prend plus de temps, mais le résultat est toujours le même. vous êtes amis. vous êtes inséparables. vous vous aimez. ou plutôt, toi, tu aimes. tu aimes à n'en plus finir.
et puis, tu grandis. tu prends plus de place, t'aboies plus fort et tu perds plus de poils. on t'aime toujours bien, mais tu deviens un peu envahissante à la longue. on ne sait plus quoi faire de toi, t'es plus si mignonne à regarder, en fait. faudrait peut-être s'en débarrasser. alors on te prend en promenade, on te promet des choses, on te met des étoiles dans les yeux. on te promet des croquettes à la fin et toi, t'y crois. et toi, tu gobes tout. tout, tout, tout. t'es aveuglée par ce semblant d'amour et ça te suffit parce que c'est tout ce dont tu as besoin, de l'amour.
d'un coup, on s'arrête sur un côté de la route. et ils partent sans toi. on te laisse là. tu ne comprends pas. t'es seule, abandonnée, sans rien à manger, le coeur brisé.

mais t'es pas un chien,
t'es un être humain,
mais ça,
ils ne le saisissent pas.

le pire dans tout ça,
c'est que ça se reproduit à chaque fois.