Y a le soleil qui brille.
Là, tout haut dans le ciel.

Et toi, tu marches un peu au hasard.
T'as les pieds qui se prennent dans les branches et, tu manques de tomber. Bien trop de fois. Mais, tu t'y es habitué Milo. Parce que t'es comme ça, maladroit. Avec tes deux mains gauches. Tes deux pieds gauches. T'avances dans la vie en oscillant, vacillant. Mais, t'essayes Milo. D'avancer. De la retrouver. La lumière.

Alors, t'es là, le soleil brûlant t'as peau pâle.
Alors, t'es là, dans ce nouveau monde.

Cet endroit si particulier.
Surement bizarre aux yeux des autres.

Mais toi, Milo. Tu t'y sens étrange. Peut-être même bien. Là, entouré du monde. Entouré de nature. Là où la lune et le soleil s'aiment, tu y vis. Un peu comme un intrus, mais t'essayes. De te mêler, Milo. T'essayes de vivre, de ton mieux. Oui, t'essayes.

Alors, quand tu l'aperçois. Là, tout loin.
Tu peux pas empêcher ton cœur de faire un bon.

T'as pas compris. Encore.
T'as pas compris. Ce qu'il se passe. Ce qui arrive quand tu es prêt de lui. Non, tu sais pas Milo. Mais, une chose est sûre, tu veux pas trop t'éloigner, l'éloigner. Parce qu'avec lui, t'as l'impression, de voir la lumière. Avec lui, t'as l'impression que tu pourrais le lui attraper. Le soleil.

Alors, t'avances, oscillant, vacillant. Mais, t'avances vers lui, pour te retrouver à ses côtés. Un peu gauche, un peu idiot. Tu le fixes. Sans rien dire. Pas de sourire. Non. Parce que ça, Milo, t'as pas encore réappris à le faire. Mais, t'as les yeux un peu plus pétillants. C'est sûr. Doucement, tu tombes, là, à ses côtés, assis dans l'herbe. T'essayes de pas trop le fixer, tes yeux sur le vert. Tes mains tirant sur les tiges.

T'as pas compris. Encore.
T'as pas compris. Ce qu'il se passe. Ce qui arrive.

Mais, pour la première fois depuis longtemps. Tu laisses faire Milo. Tu ne t'arrêtes pas. Pas de questions, pas de peurs. Juste cette barque qui vogue doucement.

« Coucou. »

Murmure qui brise le silence. De cette voix trop douce. Mais, tu veux le saluer, lui. Neo. Parce que y a quelque chose de bizarre. Quelque chose qui bat, trop vite, trop fort.

Je crois que je vais finir par mourir du manque de sommeil.
C'est possible, dis ?
Je crois que oui.
Du moins, ce sera possible pour moi.
J'ai pas dormi depuis des heures, je m'agite dans mon lit, je me tourne et me retourne. Je me suis couché super tard, un peu comme avant, mais la différence c'est qu'avant je me levais aussi super tard. Là je peux pas dormir, c'est pas possible, c'est comme si quelqu'un avait décrété que je ne dormirais pas tant qu'il ne l'aurait pas décidé et je crois qu'il n'est pas prêt d'être décidé parce que moi je suis pas prêt de dormir.
Alors j'en ai eu marre, j'ai fini par me lever, il est super tôt et tout le monde dort encore, même maman qui est toujours debout avant tout le monde. Je crois que je suis un peu dingue des fois. J'enfile trente milles épaisseurs de pull (j'en ai plus de libre là, ils sont tous sur moi) et je me faufile sur la pointe des pieds dehors. Si maman m'entend c'est fini, mais en même temps c'est pas méchant, elle s'inquiète juste pour moi.
Et d'un coup je suis dehors, il fait un peu frais mais j'ai pris le pli. Il faut ressembler à un pingouin pour pas avoir froid, c'est ça qu'il faut faire par ici.
J'avance un peu au hasard, je crois que je suis un peu comme ça moi maintenant, un zombie, un zombie qui erre mais seulement à l'aube, jamais en pleine journée ni en pleine nuit (un peu, des fois).
Il y a les cabanes et les chalets plongés dans le noir, et les rayons du soleil qui prennent timidement place. Moi qui me faufile un chemin entre les arbres, j'aimerais bien les repousser loin et construire des buldings là, amener l'odeur de pisse et de transpiration avec, je crois que ce serait dégueulasse mais je me sentirais un peu plus chez moi.
Je devrais faire ça un jour, avec mes petits bras pas très musclés.
J'ai un sourire idiot en m'asseyant à même l'herbe humide de la rosée du matin.
Je regarde les environs en sachant pas trop quoi penser. Tout le monde se réveille timidement et moi je suis là, quelques heures à peine de sommeil sous les yeux, je viens de me lever et je vais déjà aller me recoucher pour éviter les autres.
Des fois je me dis que j'ai peut être trouvé un peu de confort dans cette routine un peu nulle.
Et je suis pas là depuis dix minutes qu'il y a déjà quelqu'un qui s'invite, qui s'assoit à côté de moi et qui me dit coucou. C'est comme ça ici, tu peux pas être tranquille deux minutes, il faut toujours bouger, aller aider ou autre, c'est fou, des fois ça me rappelle un peu la ville mais en moins bien, la ville sous un autre aspect, un aspect que j'aime pas.
Je tourne la tête et il y a Milo à côté de moi, qui me sourit, alors moi je souris, du même sourire idiot du gars qui n'a pas dormi. En vrai de vrai je préférerais qu'il dorme encore et moi avec, qu'on me laisse juste tranquille, avec l'éveil hésitant de la nature.
Entre temps j'ai sorti un paquet de cigarettes tout froissé, il fait peine à voir le petit. À l'intérieur le tabac tombe un peu des cigarettes, elles sont un peu cassées mais j'en sors une et je tends le paquet à Milo.
- T'en veux ?
Je crois que je suis un peu fou. J'ai eu un mal de chien à les trouver, ces cigarettes, et moi je les donne comme ça à qui veut bien, au premier qui s'assoit à côté de moi et qui me dit « coucou » alors que je le connais à peine, moi. Ces cigarettes elles m'ont couté la peau du cul et je devrais plutôt les garder comme un Graal, mais je sais pas, je crois qu'il y a des choses comme ça qui se partagent sans se poser de questions, des choses qui se sentent sans avoir besoin de mots à mettre dessus, et moi je vois un peu sans qu'il ait besoin de me le dire que Milo, il viendra pas me chercher des noises. Je crois que lui non plus il veut pas que je vienne lui en chercher alors à la place je lui tends juste mon paquet de cigarette ; et je crois que ça fait plaisir à tout le monde, au fond, qu'on propose une cigarette.

Tu joues avec l'herbe, tes doigts tirants, cassant les tiges qui se trouvent entre eux. Tu te dis un instant que tu fais du mal, parce que finalement, l'herbe c'est vivant. Alors, tu cesses, les doigts mouillés de rosé. Mais, t'es un peu idiot, là, à ses côtés. Alors, t'as tendance à vouloir recommencer. Glisser dans l'herbe humide et jouer dedans. Comme un enfant.

Mais, tu l'es un peu non ?
Un enfant.

Une dent qui mord la lèvre, une brise qui rafraîchit la chaire et tu tournes doucement ton regard sur Neo. Le fixant, détaillant. Il a l'air fatigué Neo. Plus que toi, t'en es certain. Parce que toi, t'as pas de cernes sous les yeux et pourtant...tu sais bien que tu dors mal, Milo. Nuit parfois trop hantée pour pouvoir fermer les yeux. Mais, Neo, il semble... Tu sais pas, Milo. Et, tu te sens un peu triste pour lui. Mais, aussi content, de l'avoir là. À tes côtés alors que la vie n'est pas encore éveillée. Alors que vous êtes un peu là, seuls au monde.

T'as les jambes qui s'étendent devant toi, le pantalon qui s'humidifie. Mais, tu t'en fiches. Ça va sécher n'est-ce pas.
Ça va sécher.

T'aurais bien voulu dire un truc.
Dire un mot.

Mais, tu sais pas trop quoi lui dire à Neo. Tu sais pas trop si tu peux. Briser le silence. Alors, finalement, quand c'est lui qui le fait, t'es un peu heureux. Pas le bonheur le vrai. Mais, comme un sentiment de contentement. Le truc, Milo, c'est que lorsque tu l'entends et que ton regard se pose sur le paquet, tu sais pas quoi dire. Quoi faire. Parce que toi, t'as jamais fumé. Non, jamais d'la vie. Alors, tu pourrais dire oui. Pour faire plaisir ? Pour faire comme lui ? Mais, tu sais, Milo. Tu sais que t'auras juste l'air bête. Surement plus que tu ne l'es déjà. Parce que la fumée va t'étouffer. La fumée va te faire tousser.

Tu hoches un peu la tête, pour lui dire non. Un maigre sourire sur les lèvres. Parce que les vrais, tu sais plus trop faire.

« Non merci. Euhm, je fume pas. »

Oué, vaux mieux ça. La vérité.
Pour ne pas avoir l'air bête.
Pour ne pas gâcher non plus.
Surement.

Parce que tu sais pas où il a trouvé ça Neo. Mais, à ton avis, il doit les garder bien précieusement. Alors, autant ne pas gâcher. Oué.

« Ça fait longtemps ? Que tu fumes. »

Tu sais pas pourquoi Milo.
Pourquoi t'essayes de lui parler, de le connaitre. Mais c'est venu comme ça. Et, tu veux pas arrêter. Pour une fois, Milo, tu veux pas arrêter. Alors, tu restes là, à jouer avec l'herbe, à regarder le soleil s'élever de plus en plus. L'odeur de la cigarette arrivant doucement à ton nez. Mais, ça. Ça t'as jamais gêné. Non. Avant. Avant tout ça. Tu l'avais aussi cette odeur, dans la maison, dans la cours de l'école. Alors, même si tu penses que c'est triste. De noyer la nature avec, tu t'en fiches.

Ça me rend un peu triste quand il dit non.
Pourquoi il veut pas ???
je croyais que les gens étaient content, quand les autres veulent partager avec eux. Partager une cigarette c'est beau, c'est bien, ça détruit les poumons mais il y a un sens caché en dessous, un truc silencieux, un non-dit qui dit je veux bien sacrifier celle là, que j'ai payé cher, pour un moment avec toi, tu vois quelque chose comme ça.
Mais Milo dit non alors je range mon paquet.
J'ai plus trop envie de fumer non plus.
Moi avec la chance que j'ai, je vais juste lui envoyer la fumée dans les yeux et ça va le déranger et il va sûrement partir.
Je suis un peu gêné.
Je crois qu'il ferait mieux, de partir.
J'ai les mains un peu hésitantes.
C'est qu'une cigarette mais vraiment, j'en fais toute une montagne, j'ai l'air un peu bête.
Faut savoir que les cigarettes, j'en ai pas fumé depuis des jours, le temps de faire tout le pays à pieds (Rieu) et de trouver de quoi les acheter et de les acheter et de trouver le bon moment pour les sortir parce que maman est toujours sur mon dos.
Je suis un peu à cran.
Je sais plus trop si c'est le manque de sommeil, ou le manque de cigarettes.
Un peu des deux je crois.
Alors avec les mains un peu tremblantes je finis par ressortir mon paquet, et j'essaie d'affirmer ma prise sur le petit bâton de nicotine mais c'est pas très facile. Ça m'aidera peut être à dormir, tu sais pas.
Je l'allume et bingo, toute la fumée va dans le visage de Milo, et moi je suis encore un peu plus gêné parce que peut être qu'au bout de dix, vingt, trente ans ça va lui refiler un cancer et je serai bien bête, moi.
Alors je me décale un peu, je trempe tout mon pantalon sur l'herbe, ce sera vert et maman va avoir du mal à l'enlever. Tant pis.
- Un peu.
Je fumais déjà à la ville, mais bon, en ville tout le monde fume, par les voitures, par les pots d'échappements, par les fumeurs sur la terrasse, avec leur fumée qui rentre dans le café quand même.
Je fumais avec les copains, le soir quand on jouait un peu aux délinquants. C'était drôle cinq minutes.
- C'est difficile à trouver par ici, ces conneries. J'ai un peu désintoxiqué, depuis.
Je souris un peu gauchement. Milo sourit pas trop, je sais pas trop quoi lui dire moi, quoi il s'intéresse vraiment à mon quota de clopes ??? j'inspire un coup, pour entamer la cigarette, et puis je ferme un peu les yeux en expirant. Plaisir rare. La dernière date un peu, je profite.

Tu te demandes un instant. Si t'as pas fait une bêtise, quand il s'éloigne un peu de toi. Peut-être que t'aurais pas dû finalement, dire non. Mais, si c'était pour gâcher, ça aurait été bête non ? Tu tournes un peu ton visage, pour le regarder. Là, son profil, aussi doux que la neige. La fumée t'arrivant doucement dessus. T'as l'habitude de ça Milo. Mais, t'aurais pas cru que ça te ferait sauter le cœur comme ça. Oh non. Tu te revois avant. Tu te revois là-bas. Heureusement. Eux. Ne fumaient pas. Tu pousses un faible soupire. Un peu rassuré de pas les voir.

Puis, tu rebaisses les yeux, sur l'herbe avec laquelle tu continues de jouer. Un petit murmure chantant sur tes lèvres alors que t'écoutes Neo. Oué, t'en doutes pas de ça. Que c'est dur à trouver. Pour ça que t'as pas voulu gâcher.

« Pour ça que...que j'ai dit non. Tu vois. Parce que j'sais pas faire. »

Tu relèves la tête, un semblant de sourire sur les lèvres alors que tu le regardes. Et, tu te demandes l'espace d'un instant qu'est-ce qui t'attires chez lui. Non non. Pas attiré de cette façon-là. Non. Mais, il t'attire Neo. Il a quelque chose. Un peu comme un aimant. Qui te donne envie de rester là. À ses côtés. Pour ne rien faire. Pour parler. Pour rien. T'es un peu bête, tu trouves parfois.

« J'voulais pas gâcher. »

Tu fixes la cigarette qui se consume, là, rougeoyante. C'est attirant aussi ça. Petite lumière dans le bâton de mort. Petite lumière. Tu voudrais bien en avoir une toi aussi. De petite lumière. T'as les yeux qui glissent, ailleurs, sur l'herbe, le ciel. Puis sur lui. Et tu le regardes, surement un peu trop fixement. C'est pas poli ça Milo.

« C'est beau. » (t'es beau).

Tu sursautes, les yeux grands ouverts Milo. Avant de tourner la tête. Avant de faire comme si t'avais rien dit. Tu sais pas ce qui te prend Milo. Là à côté de Neo. Tu fais n'importe quoi. T'es n'importe quoi.