il a ce regard un peu vide,
celui qui veut dire : j'ai besoin d'air,
celui qui veut dire : j'ai besoin d'aide.

une clope se consume entre ses doigts trop fins pendant que ses yeux se perdent dans l'étendue multicolore qui se dresse fièrement face à lui. rien ne pourrait venir perturber sa concentration. le blé, le maïs, toutes ces ressources qu'ils épuisaient peu à peu, léon y trouvait quelque chose de beau.
les crépitements de sa cigarette sont comme une mélodie somptueuse à ses oreilles. il ferme les yeux et s'y laisse bercer comme s'il était dans un cocon de confort indestructible. souvent, il vient se perdre ici, entre les champs. il recherche ainsi la tranquillité et le silence. l'espoir. l'espoir que ces moments de silence lui feront assez de bien pour qu'il n'ai pas envie de se détruire la vie à coup de seringue et de poudre de mort.
contraction du bras, pli, la clope se retrouve entre ses lèvres charnues. inspiration. la nicotine danse dans son corps, se frayant un chemin vers ses poumons tuméfiés. crache la vie. la fumée s'échappe de ses lèvres dans un nuage mortel. l'odeur l'enivre. les sensations le plonge dans une quiétude totale.
ses yeux s'ouvrent, vision panoramique, il s'élance pour se rasseoir. le vent s'engouffre dans ses cheveux,
puis il le voit.

loin,
bien trop loin de son coeur,
et ce coeur rate un battement.
pourtant, il a toujours eu l'impression que leur coeur ne pouvaient se séparer, se serait-il trompé ?
sûrement.

il se remet debout silencieusement pour ne pas être vu, il ne veut pas que les yeux de robbie ne le désarment.
puis, ses pas le portent, lentement. il jette le mégot de sa clope à ses pieds en continuant sa marche muette. puis, une fois arrivé à hauteur de son amour, derrière lui, il s'arrête. le coeur battant, la poitrine douloureuse. puis, mêlant courage et crainte, il ose l'aborder.

- tu es beau.

dans le ciel, le soleil est presque aussi haut que l'infini, et il brûle sur ses bras nus, on dirait même qu'il le guette, qu'il le surveille, perché sur sa toile bleue (presque aussi bleu que l'océan, il se rappelle de l'avoir vu dans ses rêves). il allume sa cigarette et la fumée se met à danser, à s'animer comme un pantin, et alors il lève ses bras en l'air comme pour danser avec elle. il la regarde se consumer tout doucement, et la cigarette s'éteindre en même temps que lui (que ses poumons, son coeur, sa vie). pourquoi la fumée ne revient jamais dans la cigarette??? pourquoi les gens qu'on aime, une fois qu'ils sont partis, ne reviennent jamais dans nos coeurs??? (robbie aimerait bien savoir mais on ne lui a jamais donné la réponse)
le silence. qui résonne. rien. puis, là, dans l'immensité des hautes lumières, une voix, presque chantée, murmurée du bouts des lèvres, un son familier (puisqu'il a tant brisé ses entrailles) : il ne bouge pas. il sait mais il ne comprend pas. il se tait. il veut juste (ne pas) y croire. il veut juste entendre le silence qui plane et sentir son odeur près de lui. qu'est ce que tu fais là?

ses yeux reprennent vie peu à peu. c'est grâce à lui, ça ne fait aucun doute. le visage de robbie, il a un pouvoir spécial, comme une force invisible qui l'aide à vivre. lorsque léon voit ce visage d'ange, tout se chamboule. il a le coeur au bord des lèvres, les sentiments ne partent jamais complètement. c'est bien cela le problème. quelle vacherie !
il n'a jamais été aussi beau. les rayons de soleil reflétaient sa peau lisse, ses traits parfaits. il était comme une bouffée d'air frais dans un monde sans oxygène. et c'est dans ces moments-là que léon trouve que le monde paraît bien trop grand quand il est loin de ce bout de bonheur. puis cette voix. une voix d'ange, douce et délicate,  à son image. il est beau. il est beauté.
les phalanges brisées de léon sont en manque, elles ont besoin de la douceur des mains de robbie, elles ont besoin que ses doigts viennent combler l'espace présent entre les siens. il a besoin d'un fragment de sa vie, de sa douceur légendaire. puis, à sa question, un sourire se fend sur les lèvres de léon.

- je suis venu récupérer ton sourire, je suis venu t'aimer.

il le trouverait presque plus beau qu'avant s'il n'avait pas autant envie de lui casser la gueule (et lui abîmer ses jolis yeux et sa jolie bouche qu'il a tant embrassée).... en fait il sait pas trop ce qu'il ressent, là, parce qu'il a aussi envie de le prendre dans ses bras comme il prend les étoiles quand il fait la nuit, mais faut qu'il résiste, faut qu'il résiste (c'est la petite voix dans sa tête qui parle). mais léon quand il sourit y'a tout qui s'effondre (son cerveau ses poumons sa vie et la galaxie entière) et alors là c'est plus la peine de lutter, c'est comme s'il vous tuait d'amour en plein dans le coeur.
tu avais l'occasion de m'aimer, avant...

il y a le jour, beau et lumineux. il y a la nuit, sombre mais paisible. et il y a robbie, beau, lumineux, sombre et paisible. il est le jour et la nuit à lui seul. il est beau, il est lumière bien qu'il n'en ai pas conscience. lorsque ses yeux se pose sur léon, c'est comme si ce dernier ne pouvait plus vivre que d'oxygène. c'est le monde entier qui se referme autour de sa carcasse pour n'en recracher que ses os tordus. il a du mal à se pardonner léon, il a fait des choses mal léon. il lui a fait du mal. détresse. ils avaient fini par se perdre. peu à peu. pas à pas. comme des aimants (ou des amants) que l'on essaie de rassembler en les mettant du mauvais côté. c'est l'éloignement net et brutal. mais tellement douloureux.
pourtant, tout peut s'arranger, pas vrai ? rien n'est impossible. la fatalité, léon lui met un coup de pied. il n'aime pas ce mot. le destin, il est contre lui, depuis toujours. il l'éloigne de son amour, de sa propre vie. il voudrait lui briser les reins à ce destin, lui faire du mal. pour pouvoir ramener une part de bonheur à robbie. pour pouvoir lui dire qu'il est désolé, qu'il a changé, qu'il a appris de ses erreurs. qu'il ne peut plus vivre. qu'il ne respire plus. que chaque jour son coeur menace de s'arrêter et ses yeux de pleurer une fois de plus.

- je ne savais pas comment t'aimer, mais j'ai appris.

il veut le prendre contre lui, le serrer dans ses bras. lui dire qu'il est beau. toujours. à chaque instant. que ses yeux sentent l'amour. que sa peau signifie tendresse. puis ses bras, l'exaltation. mais il peut pas. il en souffre bordel. léon il a mal, de plus en plus. il se mord la lèvre jusqu'au sang, comme pour se punir de ne pas avoir su l'aimer avant. d'avoir été un idiot, un lâche, une ordure dans un monde d'ordure. une déjection de satan. putain. c'est la rage qui coule dans ses veines, même s'il ne laisse rien paraitre et reste calme face au visage de cet ange. il est sa nouvelle drogue. pourtant, lorsque robbie ne sera plus là, il sait bien qu'il aura besoin de sa piqure, mais il se voile la face. misérable humain.

- la drogue n'est plus mon quotidien, je veux que ce soit toi mon quotidien. laisse moi t'aimer comme tu le mérites.

il tend la main vers son ange pour qu'il l'attrape, comme pour atteindre l'horizon. magnifique mais inaccessible.

il regarde autour de lui et tout est vide... là c'est à lui de faire un choix et personne ne peut l'aider, il se sent désarmé, il aimerait qu'on lui prête des forces pour l'affronter et lui dire ce qu'il a sur le coeur (tous ces maux (mots) violents qui lui déchirent les entrailles depuis qu'il n'est plus là)
tu as mis du temps, à apprendre.
est-ce qu'il rêve????
est-ce qu'il est vraiment là???
pour une fois, il voudrait se réveiller de ces nuits où tout est plus beau, ouvrir les yeux et ne voir que la réalité.
la drogue n'est plus mon quotidien, je veux que ce soit toi mon quotidien. laisse moi t'aimer comme tu le mérites.
il sourit un peu quand il entend ça (mais c'est un faux sourire), et puis léon lui tend la main, ça fait des semaines qu'il rêve de la toucher mais là... il la regarde et puis il baisse les yeux doucement
est-ce que tu y arriveras??? (silence) ... je peux pas y croire, plus maintenant.

le temps peut parfois être fluide. on peut l'apprivoiser, vivre avec et en faire son ami le plus précieux. du moins c'est ce que certains affirment, mais au final, combien en sont capable ? léon il n'y est pas arrivé. il aurait aimé pouvoir affirmer que les heures étaient devenu des minutes loin des yeux de robbie, mais ce ne serait que mensonge. sans robbie, rien ne va plus, c'est la terre elle-même qui arrête sa rotation. au même rythme que son coeur. il pense que léon a mis du temps ? non, c'est le temps qui l'avait emprisonné ! pendant tout ce temps, il l'avait gardé dans ses bras trop maigres ! et lui, ils étaient où ses torts ? il l'avait trompé, il l'avait traité comme un moins que rien, il l'avait rabaissé, et pourquoi ? pour finir triste. l'injustice de ce monde vaste et cruel. pourtant, il l'aime, il l'aime à s'en arracher le coeur de la poitrine putain !
et si c'était trop tard. hein. s'il avait loupé sa chance. non. il ne pouvait pas y croire. pas question. il préférait se flageller plutôt que de penser à une chose pareille.
sa main reste tendue, il ne la prend pas, comme un refus, comme un poignard lancé dans un coeur déjà mort. ce n'était pas dans ses habitudes de faire des promesses car il n'arrivait que rarement à tenir parole. et pourtant, il était forcé d'en faire une. une grande.

- je n'peux pas te promettre d'être l'homme parfait. je n'peux pas te promettre le bonheur, ni une vie de rêve. je te promets simplement de faire de mon mieux pour récupérer ton coeur.

sa main retombe, il ne se sent pas digne de le toucher finalement. puis finalement, il la relève mais d'en un autre but, il lui relève la tête en s'emparant doucement de son menton. ses yeux se plantent dans les siens, et le temps s'arrête.

- je n'peux pas t'offrir la lune, robbie. tout ce que je peux t'offrir, c'est moi, rien que moi.

il se sent bête parce qu'il n'y a que lui pour le rendre faible comme ça, il l'écoute mais il arrive même pas à garder ses yeux dans les siens à lui (ils sont trop bleu, trop océan, ça lui rappelle qu'il n'a pas vu la mer depuis longtemps). et puis y'a aucun bruit autour, il n'y a que l'immensité du monde qui se tient là, à portée de leurs mains qui ne savent rien faire d'autre que de s'abîmer (ce monde qu'ils s'étaient promis de parcourir... c'est toujours écrit dans sa liste de choses à faire avant de mourir). il y a juste le silence et sa voix, même les oiseaux se sont tus, même le coeur de la nature s'est arrêté de battre...
et puis il sent sa main toucher son menton, ça faisait longtemps qu'il n'avait pas senti la douceur de ses doigts contre sa peau, et c'est tout son corps qui frissonne à l'intérieur.
il voit l'océan mer et les vagues s'abattre tout contre ses yeux et le vent se blottir contre lui; et alors sa bouche se rapproche (dangereusement) de ses lèvres, il a l'impression de revenir à la maison lorsqu'il sent son haleine sucrée venir contre lui. il l'embrasse, et il regrette déjà.

il a le coeur au bord des lèvres. comme s'il allait recracher toutes les émotions qu'il avait eu à ingurgiter en l'absence de sa perle rare. il ne sait pas si ce sont les lèvres de robbie qui lui font cet effet, ou si c'est l'effet de choc, mais une chaleur inconnue commence à baigner le sang de léon. il a chaud, il est bien. le bonheur l'envahit et ses yeux se ferme, pour pouvoir mieux s'ouvrir ensuite sur un nouveau monde. sa main lui lâche le menton et se fraie un chemin sans embûche dans les cheveux du bel homme.
ses lèvres se détachent de celles de son amour.
un souffle.

- excuse-moi pour le mal que je t'ai fais, je veux changer.

ces mots sonnent comme une promesse. et il y pense. même si cela ne sera pas simple. même si chaque instant il pense à la dose de drogue qu'il aimerait, plus que tout, s'injecter dans les veines. ses bras s'enroulent autour du corps de robbie, il le presse contre lui. pour sentir son corps, une nouvelle fois. pour le sentir, toujours plus. il lui fait peut-être mal. il est sûrement trop brusque. mais putain, qu'est-ce que c'est bon de pouvoir le sentir entre ses bras trop maigres. quitte à le briser une nouvelle fois, peu importe.

il voudrait y croire.
il voudrait y croire mais ses mots à lui sonnent comme un mensonge au fond de sa gorge et ça lui fait mal, ça le déchire de l'intérieur, comme un poignard qu'on enfoncerait au plus profond des entrailles.
et il voudrait que ce moment dure éternellement... là il aimerait être un magicien comme ceux qu'il regardait à la télé quand il était petit, et pouvoir arrêter le temps et le reprendre rien qu'en appuyant sur un bouton. mais la magie ça n'existe pas, si???
il sent ses doigts contre lui et l'odeur de son souffle qui vient le chatouiller. il sait pas quoi dire, il le regarde comme il l'a regardé quand il l'a vu pour la première fois.
- où t'étais? qu'est-ce que tu faisais?? qu'est-ce que j'étais moi, pendant ce temps??

c'est quoi ce sentiment qui lui crame la cervelle et lui broie le coeur ? l'amour, ou la culpabilité ? c'est bête tout de même comme attitude. c'est un peu l'allégorie de sa personnalité au fond. les fragments d'un malaise qui ne se comble que peu à peu, avec une lenteur sans égal.
trop de questions. et les réponses, où était-il sensé aller les chercher au juste ? devait-il lui mentir une fois de plus ? non, la vérité vaincra, il en était certain aujourd'hui.

- j'étais mort, tout simplement, puis, je t'ai vu, et j'ai enfin frôlé la vie ! et toi, tu étais tout, comme toujours.

puis, sans grande raison, une sorte de colère envahit tout son être. il ne savait pas réellement contre qui il était en rogne, sûrement contre lui-même. s'il avait pu, il se serait mis un uppercut sans plus tarder.

- puis que veux-tu que je te dise ?! que je suis qu'un con ?! une crasse qui a été forcée de tomber plus bas que terre pour enfin comprendre que sa vie ne se résume qu'en ton prénom ?!

il fit un bon en arrière, comme pour vite s'éloigner de lui, avant d'ajouter, d'une voix rapide, les dents serrées à l'extrême.

- ne m'en veux pas !

il disait ça avec une voix forte et presque agressive, pourtant c'était réellement une supplication.