eh, toi, qu'est-ce que tu viens faire par ici ? il y avait trop d'attente, trop de sourire, trop de merci, trop de monde, trop de choses, trop de conversations, trop de soupirs, trop de solitude pourtant, trop de mur, trop de chuchotements, trop de hochements de tête, trop de sourcils froncés, trop de crispation, trop d'histoires, trop de monde, trop de sourire.
d'où tu nous viens, tu faisais quoi avant ? parle nous un peu de ta vie avant. je menais le genre de vie sans histoire, avec une petite maison, des parents, une école, des amis, même une copine de temps en temps. Le genre de vie qu'on ne délaisse pas. Le genre de vie qu'on délaisse pourtant quand on ne sait pas quoi en faire.
et tu comptes rester encore longtemps ici, ou c'est juste pour une petite durée ? ça fait déjà deux ans. j'avais dix-huit ans à l'époque. j'étais sûr de savoir ce que je cherchais ici, je savais que j'allais le trouver. mais au bout de deux ans, je n'ai aucune réponse, pas d'avenir en tête, juste une envie incroyable de m'enfoncer dans la forêt et de ne plus en sortir.
tu fais quoi de tes petites mains sinon ? mes mains n'ont jamais été très habiles, sûrement parce que je ne les ai jamais utilisé, mais à force d'ennui et de solitude, j'en suis venu à faire des choses nouvelles et tout doucement mes mains se sont mises à façonner le bois et elles créent des petites statuettes. elles sont minuscules, elle ne servent à rien, elles sont discrètes.


Ce ne sont que de petits désirs. Ils sont insaisissables pourtant. Juste l'envie d'une pomme le matin, d'un carré de chocolat le soir avant d'aller s'endormir.
Ce ne sont que de petits malaises. Une couverture sur la tête la nuit, entre les feuillages le jour, le regard baissé le soir.
Ce ne sont que de petits plaisirs. Une brasse dans un lac, la senteur des arbres, le soleil sur la peau.
Ce ne sont que de petites rencontres. Un sourire, un regard, un mot.
Ce ne sont que de petites personnes. Des cheveux fous, des maigres mains, une silhouette ténue.

La promenade a été longue cette nuit. Il a marché, puis couru, puis marché, puis couru. Il s'est assis de temps en temps contre un arbre. Il s'est arrêté et a levé les yeux. Il a regardé autour de lui, un peu. Puis il s'est remis à courir, la nuit. Entre les arbres, il s'est presque perdu. Il a reconnu quelques voix, au loin, ça l'a guidé.
Il connaissait les rues éclairées artificiellement. Il connaissait le macadam sous les pieds nus. Il connaissait les maisons similaires qui s'enchaînent à perte de vue. Il connaissait le chien qui aboie, le maître qui aboie, le père qui aboie. Il connaissait les cris devant la télévision. Il connaissait le quadrillage tranquille des avenues.