eh, toi, qu'est-ce que tu viens faire par ici ?
Je veux les étoiles et la lumière, le ciel sombre et décomposé. Je veux les étoiles qui flottent, qui attendent. Je veux la lumière éclatante dans le ciel sombre et décomposé. Les branches qui caressent le vent ou le vent qui caresse les branches, je sais plus trop. Je vois plus trop. La vision est floue et déstructurée. Mais je veux être là, là et pas ailleurs, parce que c’est ici, c’est ça que je sais, c’est la seule chose que je peux affirmer. Ils sont là, quelque part, je leur manque, quelque part. C’est dur de perdre un proche, c’est dur le manque. Ils vont venir me chercher, un jour, ici, parmi les branches d’arbre, le vent, les étoiles et la lumière. Le temps va s’arrêter. instantanément. Je vais voir ces lueurs, ces couleurs, ce flash miroitant. Pour partir loin, loin d’ici, loin des peaux colorées, loin des bâtiments monochromes. Mais là-bas, près des comètes pour câliner les astéroïdes. Courir dans les herbes humides pour atteindre les flambeaux. C’est pour ça tu vois, c’est pour ça que je suis ici, les pieds nus dans le ruisseau.

d'où tu nous viens, tu faisais quoi avant ? parle nous un peu de ta vie avant.
Je viens pas d’ici, je viens de loin, un endroit tu peux même pas l’imaginer tellement il est inimaginable. Un endroit de beauté, de couleur, de poussière et de cratère. C’était pas la lune, la lune c’est trop blanc. Je sais pas c’est où, mais je sais que je viens de là, de la galaxie des éclats d'astéroïdes. Pis, j’ai été laissé, abandonné, oublié, la peau fade et le visage terne. J’ai grandi, comme tu dis toi le normal, à Rieu, avec les autres gosses de parents normaux, dans une maison normale, je vivais un truc normal. Normal pour vous. Un jour je me suis rendu compte, je le savais au fond de moi, mais j’avais pas les yeux assez ouverts pour voir. J’aimais pas la maison normale avec ma chambre normale et mes parents normaux, j’aimais, mais j’aimais pas trop. C’était mieux chez papi et mamie normaux, avec les tartes, le jus d’orange, les biscuits, la balançoire, tout ça c’était normal. Même si moi je l’étais pas.

et tu comptes rester encore longtemps ici, ou c'est juste pour une petite durée ?
Oui. Non. Je sais pas. Rien ne dépend de moi, tout dépend d’eux. Peut-être que demain j’aurais rejoint le flash de couleur. Toi tu l’auras même pas vu, t’auras oublié, oublié que j’existais, qu’un jour on a mangé des cerises ensemble, qu’un jour on a dansé devant le feu de bois. Tout. Je serais plus dans tes pensées, et toi tu seras plus dans les miennes parce que ma vie, ma vraie vie, elle reprendra son cours. Alors, en attendant je reste ici, près des lumières qui dansent.

tu fais quoi de tes petites mains sinon ?
Tu sais je sais pas faire grand-chose, et quand je fais c’est mal, et quand je fais tu cries. Alors je fais plus. Sauf si tu demandes, je viens. Mais si je viens, si je fais, tu cries encore. Moi je sais pas quoi faire, c’est pas ma faute, les étoiles elles m’ont pas donné la capacité de jongler avec des poutres. Pardon. Mais souvent, j’aime bien apprendre des choses aux enfants. Je leur montre le ciel, là d’où je viens, je leur parle d’astronomie, je fais des histoires. Pis les enfants ils aiment bien, alors ils reviennent, après ils sont tout heureux de me montrer les notes de science. Et moi je suis content que j’ai aidé à faire parcourir les astres.





je vois le ciel qui bouge sans arrêt
les étoiles elles tournent
elles dansent
Je vois la poussière dans les nuages
la lune qui rigole
le soleil qui frétille
et moi je suis pas là bas
je suis pas avec eux
loin dans l’espace
je suis pas sur la comète
je suis pas dans le cosmic
je suis juste là
dans sa peau à ce gars que je connais pas
parce que c’est pas moi
Il est pas moi
je suis pas lui
je suis différent
je me suis toujours senti différent
dorlotant l’obscurité des astres
adorant la passion des univers
de l’univers d’où je viens
quelque part dans une galaxie inconnue
inconnue pour toi
moi c’est mon foyer tu vois
moi c’est là bas que j’aime rire et sourire
moi c’est là bas que je dois retourner
pour vivre
vivre ma vraie vie entouré d’astéroïdes
mes pieds vont se soulever de l’herbe
je vais être enlever dans le même rayon
dans la même lueur qui m’a traversé autrefois
pis tu vois je vais retrouver les gens que j’aime
ah
c’est pas que je t’aime pas, non je t’aime bien
t’es gentil
mais c’est pas ici que je dois être
c’est là bas.

C’est grave docteur ?
Oui et non, il n’y a rien d’inquiétant
C’est à dire ?
L’accident a causé une perte de mémoire passagère, maintenant ses souvenirs remontent et tout se mélange. C’est courant, tout devrait rentrer dans l’ordre sous peu.
Mon fils est un alien.