eh, toi, qu'est-ce que tu viens faire par ici ? tu lui as dit que tu t'appelais iva, parce que c'était jolie. et iva woods ça sonnait encore mieux. il avait les yeux bleus, loin des profondes ténèbres que tu as toujours connu. des yeux bleus et le teint laiteux comme la neige. c'était l'opposé même, de l'homme que tu as toujours connu. ses mots t'ont fait rêver, voyager, oublier ... malgré ta brutalité devenu naturelle le garçon au yeux océan est resté là, longtemps. tu l'as suivi, parce que c'était simple, logique. naturel. parce que sa main est toujours tendu, toujours ouverte. parce que quand il te regarde avec sincérité tu ne vois jamais le mal.
d'où tu nous viens, tu faisais quoi avant ? parle nous un peu de ta vie avant. t'es une voleuse. une putain. une usurpatrice d'identité. t'es pas grand chose, ta vie d'avant se résume en deux appartement miteux dans les quartiers les plus noirs. deux appartement aussi vide l'un que l'autre. ta vie tient dans un sac à dos. ta vie est minable, pathétique, jamais construite.
et tu comptes rester encore longtemps ici, ou c'est juste pour une petite durée ? tant qu'il sera là, tu resteras.
tant qu'il ne se transformera pas en ce que tu as toujours détesté. tant qu'il tiendra sa promesse silencieuse. celle faites dans le creux de ses bras, le seul jour où tu as accepté une étreinte. peut-être que ça durera un jour, une semaine. des mois. peut-être que tu partiras demain, peut-être que tu resteras pour toujours.
tu fais quoi de tes petites mains sinon ? toute les mauvaises choses tu les as faites, tout les mauvais gens tu les as fréquenté. t'as couché avec tout les sales types de l'univers, et baiser leurs femmes aussi. t'as braqué des épiceries pour quarante malheureux dollars, pointé ton gun sur la tempe d'une vieille pour récupérer son sac. t'as fais quelques séjours en maison de correction, tu sais fabriqué une arme avec une putain de brosse à dent. ouvrir des serrures avec une épingle à nourrice, imiter la signature d'un riche entrepreneur. pleurer sur commande pour avoir les faveurs d'un bébé flic. mais tu sais pas choisir des fleurs, tu sais pas manger la boucher fermée, tu sais pas prendre soin de toi, tu connais pas le parfum, tu connais pas grand chose "iva".



tu marches, encore, toujours.
la nuit noire accompagne chacun de tes gestes.
tu titubes, te cognes lamentablement contre le mur.
ta robe rouge trop moulante t'empêche d'avancer correctement. tes pupilles dilatées, fenêtres ouvertes sur ton âme. la drogue te fait tourner la tête, un de tes escarpins se fait la malle. sans difficulté aucune tu abandonnes le second. face à la vitrine de l'épicerie tu ne te reconnais pas. trop de maquillage sur ta gueule, comme un masque cachant le désespoir. ce collier en or, ridicule. ces ongles parfaitement manucurés, robe trop courte, cheveux trop soignés, sac à main. sac à main ? tu l'ouvres, récupère les quelques dollars à l’intérieur avant de jeter l'objet du délit dans une poubelle.
t'entres dans l'immeuble le plus miteux du quartier.
ça sent la mort et les fringues moisis.
odeur qui s’imprègne.
pour que jamais vous n'oubliez ce que vous êtes.
vulgaires déchets de cette société malsaine.
tu pousses la porte où se balance un six, peut-être un neuf.
tu ne sais plus.
tu ne sais plus rien.
ça pue la pisse de chat.
comme toujours.
la seule ampoule qui éclaire l'unique pièce te donne un teint blafard. marquant tes cernes au fer rouge. tu ouvres le réfrigérateur, une brique de lait, le contenu termine dans la gamelle des chats. alors que l'homme sort enfin de son sommeil de plomb. il marmonne, avant de se redresser pour te faire face. cette effluve âcre de transpiration te donne des hauts le cœur, et quand il vient écraser ses lèvres sur les tiennes tu ne bouges pas d'un millimètre. souffle coupé. il s'empare de ta maigre fortune, te refile un billet dix dollars comme on donnerait un su-sucre à son clébard. cet homme n'est plus, cet homme n'est rien. cet homme que tu as tant désiré, aimé, te répugne au plus au point. et quand sa main rongée par l'héroïne s'empare de ton cul tu sursautes. c'est quoi ton problème ? ses yeux noirs plantés dans les tiens, tu ne dis mot. la peur envahit ton corps crispé, sa part de tes entrailles se déplaçant jusqu'à tes orteils qui tentent de te maintenir en équilibre sur le parquet. tu te fais sauter pour quelques malheureux billets, et j'peux même pas moi. de quel droit leila ? tu te débats quelques ridicules secondes, mais le loup obtient toujours son dû.
souillée.
meurtrie.
l'homme respire fort. sommeil profond après sa partie de jambe en l'air avec sa poupée de chiffon. tu te défais de son emprise brutale et récupère des vêtements que tu enfiles.
c'est avec ce pauvre billet de dix que tu t'engouffres de nouveau dans la nuit noire.
sac à dos à moitié vide sur le dos.
ta vie commence à peine, mais tu n'en veux déjà plus.